La réforme de la facturation électronique, prévue pour septembre 2026, ne se limitera pas à une modernisation technique : elle redéfinit en profondeur le contrôle fiscal. Grâce à l’accès en continu aux données et à l’usage de l’intelligence artificielle, l’administration pourra comparer instantanément les déclarations de TVA des entreprises aux informations collectées, déclenchant des contrôles plus rapides, ciblés et systématisés.
Depuis plusieurs années, l’administration a profondément revu ses pratiques de contrôle. Elle s’appuyait historiquement sur une collecte « à la source » de la donnée auprès des entreprises, notamment grâce aux extractions réalisées lors des contrôles fiscaux informatisés et à l’exploitation du Fichier des écritures comptables (FEC).
Dans le même temps, la DGFiP a investi dans la montée en compétence de ses équipes, dans l’acquisition d’outils technologiques performants et dans la mise en place de méthodes d’analyse adaptées au traitement des données.
Un tournant est intervenu en 2019 avec l’obligation, pour les plateformes en ligne, de transmettre en temps réel les informations relatives aux ventes réalisées par leurs utilisateurs. Dès 2020, un dispositif expérimental – prolongé jusqu’en 2027 – a également permis d’exploiter massivement les contenus librement accessibles en ligne, afin de détecter des comportements frauduleux aussi bien chez les particuliers que chez les professionnels.
Cette tendance dépasse le cadre français : depuis 2023, l’Union européenne a généralisé la collecte des données des vendeurs des plateformes et a instauré un mécanisme qui impose aux prestataires de services de paiement (PSP) de déclarer les paiements transfrontaliers.
Aujourd’hui, 56 % des contrôles fiscaux sont initiés à partir de l’exploitation de ces données, combinées aux outils d’intelligence artificielle.
Depuis 2022, la DGFiP préremplit les déclarations de TVA en exploitant directement les données d’importation transmises par les douanes. Mais la véritable rupture interviendra en 2026, avec l’entrée en vigueur de la réforme de la facturation électronique.
Cette réforme repose sur trois piliers :
– l’émission obligatoire de factures électroniques entre assujettis français (e-invoicing) ;
– la déclaration des transactions réalisées avec des particuliers ou des opérateurs étrangers (e-reporting des transactions) ;
– la déclaration des paiements afférents à certaines opérations (e-reporting des paiements).
À terme, l’administration fiscale bénéficiera d’une vision quasi instantanée de l’activité des entreprises françaises. Cette centralisation ne s’arrêtera pas aux frontières nationales : elle sera progressivement élargie au niveau européen, d’abord pour les opérations intracommunautaires à compter du 1er juillet 2030, puis de manière harmonisée à l’ensemble des États membres dès le 1er janvier 2035.
Avec l’accès en continu aux données, l’administration fiscale pourra confronter automatiquement les informations en sa possession aux déclarations de TVA des entreprises. Les écarts apparaîtront instantanément et pourraient déclencher des contrôles automatisés.
Deux scénarios se dessinent :
– des demandes de justification automatiques lorsque l’écart résulte de retraitements par le contribuable même si ces derniers sont justifiés (notes de frais spécifiques, régimes de marge, etc.) ;
– des contrôles ciblés sur certaines opérations, grâce à des recoupements permettant d’identifier des incohérences, des tiers impliqués ou encore des schémas frauduleux.
Dans ce nouveau cadre, la donnée collectée par l’administration tendra à devenir la référence par défaut. Cela pourrait conduire à un renversement de la charge de la preuve qui reposera, par la force des choses, sur l’entreprise, tenue de justifier pourquoi elle n’a pas validé les montants préremplis.
Le contrôle fiscal ne portera plus sur une analyse globale des résultats de l’entreprise, mais sur la cohérence entre les données préremplies et les déclarations déposées. Les TPE et PME seront également concernées, avec des contrôles plus techniques et systématiques.
En conclusion, la réforme de la facturation électronique ne conduira pas forcément à une explosion du nombre de contrôles, mais en modifiera radicalement la nature.
Les contrôles deviendront plus fréquents, plus rapides et surtout bien plus ciblés : l’ouverture d’un contrôle signifiera que l’administration dispose déjà d’éléments précis à charge. Les entreprises devront donc maîtriser au mieux les données fiscales pour éviter d’être pris à contre-pieds.
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