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Paiement en ligne : entre changement des comportements et multiplication des solutions

Paiement en ligne : entre changement des comportements et multiplication des solutions

Des moyens de paiement en mutation

Selon le Cabinet Exaur, « la pandémie a apporté son lot de transformations dans les modes de consommation de tout un chacun ainsi que dans les usages et moyens de paiements utilisés. La dématérialisation des paiements observée depuis plusieurs années s’est encore accentuée en 2020 sous les effets de la crise sanitaire.

Les paiements électroniques ont davantage été plébiscités par les agents économiques : d’une part, une partie des paiements de proximité s’est reportée vers les paiements à distance du fait du confinement et des restrictions de circulation ; d’autre part, les agents ont privilégié les modes de paiement dématérialisés ou sans contact dans les paiements de proximité (pour des raisons sanitaires bien entendu). Ainsi, l’usage des espèces recule fortement et les moyens de paiement « sans contact » explosent : paiement sans contact classique, essor des achats en ligne, crypto monnaie, numérisation des opérations entre tiers…

  • La carte bleu reste le moyen de paiement le plus utilisé par les Français (55% du volume des transactions scripturales en 2020) mais son usage a légèrement baissé en 2020 (-4,3% en par rapport à 2019).
  • Le prélèvement conserve le 2ème rang des instruments de paiement les plus utilisés en volume (18,3% des transactions avec une progression de 6% sur 1 an). La plupart du temps utilisé pour des encaissements récurrents, ce mode de paiement a su s’assouplir pendant la crise (échéances, reports, allègements voir suspensions).
  • Le virement n’a pas été affecté par la crise sanitaire, le nombre de transactions a même progressé de 5% sur un an (en volume, en 2020 il représente 17,7% des transactions scripturales).
  • Le chèque continue sa chute (-25,9% en volume d’opération par rapport à 2019).
  • Enfin la monnaie électronique, représente toujours une part minime du volume des transactions (moins de 1%) mais connaît une hausse significative de son encours total (+22,6% par rapport à 2019). »

Des transactions avec au cœur l’enjeu des datas

Selon la CNIL et son livre blanc publié sur le sujet, les opérations de paiement mettent en jeu de la monnaie, fiduciaire, scripturale ou électronique, des moyens de paiement (la technique permettant d’utiliser la monnaie pour réaliser la transaction), des systèmes de paiement (l’infrastructure utilisée par le transfert de fonds depuis l’initiateur pour atteindre son destinataire) et enfin des données de paiement.

« Ces dernières peuvent être définies comme toutes les données collectées et traitées à l’occasion d’une opération de paiement, un champ potentiellement large et dont les liens avec d’autres types de données (historiques d’achat, données de connaissance client) sont de plus en plus forts avec l’essor du paiement en ligne. Concrètement, les données qui nous intéressent ici tombent dans trois grandes catégories dont les frontières sont moins claires pour les paiements en ligne que pour les paiements physiques :

  • Données de paiement proprement dites : entre autres identifiants du moyen de paiement utilisé, montant de la transaction, date et heure du paiement, identité́ du commerçant, identité́ du bénéficiaire, IBAN, score de lutte anti-fraude du client… Elles dépendent du moyen de paiement et du système de paiement utilisés et sont traditionnellement historicisées par les acteurs bancaires.
  • Données d’achat ou de caisse : entre autres caractéristiques des produits achetés, date et lieu de l’achat, identifiants de la carte de fidélité́ le cas échéant… Elles sont observées lors de l’acte d’achat et traditionnellement collectées et historicisées par les commerçants (traditionnels ou en ligne).
  • Données contextuelles ou comportementales : données de connaissance client, géolocalisation, caractéristiques du terminal utilisé pour un achat en ligne, caractéristiques des produits prospectés en amont de l’achat, temps passé à prospecter… Plus faciles à collecter lors d’un achat en ligne, elles sont aisément accessibles aux grands acteurs du numérique.

Au final, il est raisonnable de définir les données de paiement comme l’ensemble des données personnelles utilisées lors de la délivrance d’un service de paiement pour une personne physique, y compris des données annexes telles que la géolocalisation, des données contextuelles voire, selon le cas de figure, le détail des achats.

Cette définition est d’ailleurs celle retenue par le régulateur des paiements britannique alors que la directive sur les services de paiement (DSP2) ne définit pas cette notion. Dans ce Livre blanc, la CNIL se concentre sur les données personnelles associées aux paiements impliquant des particuliers ».

Deux enjeux des transactions : Traçabilité et anonymat

« L’enjeu, voire le risque le plus évident de la circulation des données de paiement est celui de la connaissance potentiellement détaillée des transactions par des entités privées, opérant à grande échelle et capables de réutiliser cette connaissance pour leur propre compte. Les données de paiement s’appuient sur un régime documentaire pour tenir les comptes, identifier les clients et mémoriser leurs dettes, que ce soit pour des raisons de tenue de compte (chez les banques) ou fiscales (caisse en point de vente).

Cette historicisation des données accroît leur valeur et leur attractivité́ pour le développement de nouveaux services, majoritairement réalisés par des acteurs tiers, de tailles diverses, spécialisés sur un type d’analyse (lutte anti-fraude, paiement de pair à pair, vision patrimoniale consolidée…).

Ainsi, la longueur de la chaîne multiplie le nombre d’acteurs susceptibles de « capter » les données. La numérisation des paiements accroît les possibilités de circulation et de combinaison de ces données avec d’autres.

Les données de paiement sont susceptibles de nourrir une « économie de la surveillance » à l’instar des données du géant de l’internet chinois Alibaba (via ses filiales de e-commerce AliExpress et bancaire Ant Financial, utilisant la solution de paiement Alipay) utilisées pour nourrir le système de crédit social chinois. La question se pose aussi en Europe, même si la réglementation actuelle fait obstacle à un tel scénario.

Un autre enjeu important concerne l’anonymat des transactions, permis par l’usage des espèces et qui est au coeur des transformations actuelles des moyens de paiement. Le choix d’un moyen de paiement est en effet déterminé́ principalement par les caractéristiques des transactions et la facilité d’utilisation.

Si l’usage des espèces est plus fréquent pour les populations aux revenus plus faibles, le critère principal de choix du moyen de paiement est le montant de la transaction. En 2019, 92 % des transactions de moins de 5 euros étaient réalisées en espèces dans la zone euro, même si la situation a évolué́ depuis lors avec la pandémie. Les espèces sont également privilégiées pour les paiements en magasin, utilisées en France avant la pandémie pour plus de 50 % des paiements de moins de 20 euros. Plusieurs économies nationales sont déjà̀ converties au « cashless ». En Suède par exemple, l’application Swish, introduite en 2012 par six banques scandinaves, est aujourd’hui utilisée par plus de 50 % de la population pour régler les petites transactions. En Chine, sous l’impulsion d’Alipay et de WeChat, 80 % des paiements s’effectuent via mobile en 2018 contre moins de 20 % en 2013. De 2010 à 2016, la Suède est passée de 40 à 15 % de transactions en espèces dans les commerces. Les promoteurs du « cashless » mettent en avant l’efficacité́, le gain de temps et d’argent, la sécurité́ de ce moyen de paiement pour les clients et les commerçants, la lutte contre la fraude et le terrorisme. Pour les banques françaises, la diminution de la part des espèces et des chèques, des moyens de paiement très coûteux à entretenir (10 à 15 000 € par an pour un distributeur de billets), représente un enjeu de profitabilité́ majeur.

Le paiement tout numérique doit être anonyme ou ne sera pas. La disparition de la monnaie fiduciaire présenterait aussi des enjeux importants pour la vie privée et les libertés. Avec les espèces, les transactions entre deux personnes peuvent être effectuées sans qu’aucun tiers ne soit au courant.

Les entreprises ne peuvent proposer de la publicité́ à partir des habitudes de transaction ou des sources de revenus, ou attribuer un score de crédit, les gouvernements ne peuvent tracer ces dépenses et le conjoint qui a accès au compte joint ne peut pas savoir quel cadeau lui est préparé́. La fin des espèces marquerait la fin de l’anonymat des transactions. Il deviendrait possible de tracer systématiquement les paiements : de savoir ce qu’une personne a acheté́, à qui, à quelle fréquence et à quel prix. Cette traçabilité́ faciliterait certes, sous nos longitudes, le travail des administrations publiques pour identifier les fraudes fiscales, mais le prix à payer en termes de vie privée serait peut-être disproportionné.

Au-delà̀ des paiements, l’anonymat apparaît comme une condition essentielle du fonctionnement des sociétés démocratiques : c’est par la défense de l’anonymat que peuvent s’exercer plusieurs libertés fondamentales essentielles (vote secret, liberté́ de publication anonyme, anonymat de la prise en charge hospitalière, secret professionnel, secret des correspondances, liberté́ d’aller et venir anonymement…).

Et s’il n’existe pas de droit à payer anonymement, cette possibilité́ n’est-elle pas au soutien de nombre d’autres droits et libertés, vu les liens existants entre données de paiement et données de localisation, de santé, d’achat ou d’informations qu’elles comportent sur les liens entre les personnes ?

De ce point de vue, les atteintes à l’anonymat dans les paiements devraient s’accompagner d’une réflexion sur leur proportionnalité́ et leur nécessité́ dans une société́ démocratique, pour reprendre les termes adoptés par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne ».

La suite de l’article en téléchargeant le PDF ci-dessous avec Encadré COFIDIS « Le paiement comme levier d’une expérience client réussie »

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